Peux-tu te présenter ?
Je me présente, Sandrine Chambenoît, directrice d’une école maternelle de trois classes dans le Val de Marne évoluant depuis 2017 en ateliers individualisés autonomes. J’ai été nommée directrice en 2007 et enseignait en Petite Section.
Quels étaient les défis auxquels tu faisais face et comment as-tu découvert l’approche Montessori ?
A l’époque, mes collègues et moi-même nous interrogions beaucoup car nous prenions de moins en moins de plaisir à enseigner à cause de la lourde charge de travail et du nombre d’élèves qui nous sollicitait en permanence… Notre pratique ne nous satisfaisait pas pleinement. Si les élèves manipulaient déjà beaucoup, ils n’avaient que trop rarement le temps d’aller au bout de leur démarche. Nous avions l’impression de ne pas répondre aux besoins de chacun ; de ne pas être très efficace, surtout avec ceux en grande difficulté. Même si nous faisions déjà de la pédagogie différenciée pour ces enfants, du soutien en petits groupes, cela nous semblait insuffisant. Nous percevions déjà l’importance du travail individualisé.
En 2016, Frédérique, une collègue et amie, m’a parlé du travail de Céline Alvarez et de son expérience menée à Gennevilliers. Nous avons apprécié l’ambiance de classe apaisée, la relation à l’enfant, l’envie et le plaisir d’apprendre, la qualité des échanges entre enfants… Enthousiastes, nous avons rapidement proposé des activités autonomes individualisées. Le printemps a été actif en recherche. Nous étions avides de découvrir le matériel, de lire Maria Montessori… En juillet, nous avons assisté conquises à la conférence de Céline. Le matériel commandé en juin est arrivé pendant l’été. En août, nous avons complètement réaménagé nos classes, les avons réorganisées par aires d’apprentissage. Nous étions prêtes, à la rentrée, pour un changement pédagogique avec des classes double niveaux, Petite et Moyenne Section.
Quels changements majeurs as-tu observés dans ta pratique pédagogique après avoir intégré la méthode Montessori ?
Nous avons surtout commencé à changer de posture : l’enseignante n’était plus au centre des apprentissages. Le lâcher-prise a été difficile. Il s’est construit doucement. La mise en place du triple niveau ainsi que le fait de garder nos élèves les trois années ont été des facteurs déterminants. Cela nous a permis d’accueillir sereinement les nouveaux élèves (les autres connaissaient déjà le fonctionnement de la classe), de vraiment connaître chacun d’entre eux et d’établir une relation de confiance avec eux et leurs familles…
Cette année-là, nous avons aussi assisté aux rencontres des associations Public Montessori du Val de Marne (94) et de Seine et Marne (77). Je remercie tout particulièrement Caroline Dall’o qui nous a ouvert les portes de l’école privée Maria Montessori de Brie-Comte-Robert afin d’échanger sur ses pratiques pédagogiques. Nous avons aussi appris des ouvrages comme celui de Marguerite Morin La pédagogie Montessori en maternelle ou Enseigner autrement de Gaëlle Bieth et Marie Constans.
Peux-tu partager des moments significatifs ou des réussites que tu as observés chez les enfants depuis la mise en place de ces changements pédagogiques ?
Nous laissons chaque année plus de liberté à nos élèves et les observons davantage pour repérer leurs centres d’intérêts. Ils construisent seul ou à plusieurs, avec ou sans l’adulte, des projets qui ont du sens pour eux, qui leur donnent envie d’apprendre à lire, à écrire, à atteindre un objectif… Ils exercent surtout leurs compétences exécutives comme :
- la mémoire de travail,
- le contrôle inhibiteur (apprennent à différer leurs désirs, à gérer leur attention, leur concentration),
- la flexibilité cognitive pour réajuster un geste, comparer et/ou réorganiser des procédures pour gagner en efficacité, chercher à corriger les erreurs. Ils échangent, communiquent et apprennent ensemble. Les échanges langagiers entre pairs sont essentiels car ils permettent une meilleure acquisition de la langue française.
Les enfants ne s’engagent activement que s’ils évoluent dans un cadre sécurisant, riche et évolutif. Pour créer ce cadre, nous avons écrit, en 2017, un nouveau projet d’école concernant les trois classes.
Notre troisième collègue, Geneviève, nous a rejoint dans cette belle aventure alors qu’elle était proche de la retraite. Et alors qu’elle pourrait se reposer aujourd’hui, elle continue, depuis trois ans, à venir deux matinées par semaine dans l’école.
Comment as-tu impliqué les enseignants, le personnel de l’école et les familles dans cette transition ?
La communication a été la clef de voûte pour faire avancer le projet. Ces échanges ont été de plus en plus constructifs, même s’ils ont parfois été difficiles, et nous ont permis d’avancer dans notre changement de pratique pédagogique.
Tout d’abord, avec la mairie, à qui il a fallu expliquer notre démarche, pour que celle-ci accepte de financer l’achat du matériel. Nous avons également expliqué l’importance de l’engagement des Atsem. Les choses doivent faire sens pour que les personnes puissent y adhérer. Si elles n’y trouvent pas d’intérêt, cela ne peut fonctionner. Ceci demande beaucoup de temps et d’énergie. Et la difficulté est réelle quand les équipes changent constamment. Il faut persévérer.
Ensuite, avec l’Institution, et notamment les conseillers pédagogiques qui sont intéressés par les démarches innovantes.
Et enfin et surtout avec les familles qui ont été au départ questionnantes, mais qui ont rapidement constaté le plaisir de leur enfant à venir à l’école, ainsi que ses progrès. Les familles ont beaucoup participé par le biais de la coopérative à l’achat du matériel.
Cette année, nous ouvrons nos classes aux parents deux fois par période afin que leurs enfants présentent leur travail. Ils expliquent la leçon en trois temps ; montrent la progression des apprentissages ; racontent une histoire… Les parents comprennent davantage l’importance d’une cohérence éducative. Même si certaines familles ne parlent pas notre langue, elles ont un regard positif sur l’école quand elles voient leur enfant agir. Elles n’hésitent plus à demander conseils. L’école a enfin gagné en sérénité.
Comment l’association Public Montessori t’as accompagné dans cette démarche ?
L’association Public Montessori vous propose, comme elle l’a fait pour nous :
- Une aide à la formation grâce aux ressources présentes sur le site (visioconférences, albums) ; aux formations proposées.
- Une aide à l’aménagement des classes avec les différentes aires d’apprentissage ; aide pour trouver le matériel et comment le financer.
- Permet aux adhérents d’échanger lors des réunions dans les écoles.
- Permet l’écoute des difficultés rencontrées et de trouver des solutions adaptées…
Alors n’hésitez pas à adhérer et à apporter vos connaissances, savoirs-faire et expériences!
Je vous souhaite une belle année 2024 avec des échanges constructifs, de belles rencontres, et de beaux projets au sein de l’association Public Montessori.